La réforme devrait être discutée les prochains jours à l'Assemblée Nationale. En attendant de connaître le résultat des débats, nous avons demandé à des médecins du travail exerçant en service inter entreprise, leur ressenti vis à vis de la réforme.
Comme dans d’autres spécialités médicales, les médecins du travail sont confrontés à la démographie médicale et au départ à la retraite de nombreux confrères qui ne sont pas remplacés. Les médecins du travail sont donc actuellement à la recherche de nouveaux modes de fonctionnement. Les pistes les plus explorées sont la délégation de certaines tâches et le travail en équipe par exemple (infirmière, assistant en santé au travail, intervenant en prévention des risques professionnels, assistantes sociales, psychologues du travail…). Ce travail d’équipe qui multiplie les interlocuteurs nécessite le développement de nouvelles compétences et un temps plus important de coordination et de transmission d’informations ; le médecin du travail devra donc à l’avenir avoir un rôle pivot au centre de ces équipes pluridisciplinaires. L’ensemble de ces évolutions est indispensable car la pénurie actuelle de médecins du travail conduit certains confrères à une surcharge de travail importante, du fait de l’accroissement du nombre d’entreprises et de salariés à suivre. Il est devenu difficile pour le médecin du travail de répondre à l’ensemble de ses missions (réalisation de la fiche d’entreprise, certaines visites médicales…) ni à toutes les sollicitations des employeurs et des salariés ; autonome, il doit donc déterminer ses priorités. Le médecin du travail est par ailleurs confronté à des situations de plus en plus complexes (risques psychosociaux, situation économique des entreprises…). Tout cela renforce la spécificité de la discipline qui est une réelle spécialité se démarquant des autres spécialités médicales.
La réforme attendue est urgente afin de permettre aux médecins du travail de ne plus subir les limites ressenties, d’accomplir l’ensemble de leurs missions vis à vis des entreprises, des employeurs et des salariés et de sortir d’une certaine insécurité juridique dans laquelle ils se trouvent actuellement. Les nouvelles pratiques, tenant compte des réalités auxquelles sont confrontés les équipes de santé au travail, devront être encadrées par cette nouvelle réforme.
La réforme est une réelle opportunité de modifier les pratiques actuelles pour les enrichir et les faire évoluer en cohérence avec le sens de notre mission. Cette évolution nécessitera de travailler différemment dans un objectif de prévention des risques professionnels dans les entreprises. Notamment, il est important de garder à l’esprit que le médecin du travail est le seul à pouvoir faire le lien entre l’état de santé d’une personne et ses conditions de travail ; ceci grâce à l’organisation actuelle qui lui permet de voir les salariés en visite médicale mais aussi d’aller dans les entreprises de ces salariés étudier leurs conditions de travail.
Intégrer des infirmières aux équipes de santé au travail est un projet intéressant qui est complètement nouveau pour les services inter-entreprises. Pour ce faire, d’une part, celles-ci doivent être correctement formées et bien connaitre le milieu du travail et les entreprises suivies. D’autre part, cela nécessite un travail en étroite collaboration avec le médecin du travail qui reste le seul à pouvoir émettre des avis d’aptitude et à faire des diagnostics médicaux. A ce jour, nous en sommes encore à une phase d’ « expérimentation » qui, si elle reste positive, devra être analysée et évaluée avec attention.
Un certain nombre de médecins formulent de plus en plus des demandes pour travailler de façon différente. A ce jour, parmi les demandes, priorité est souvent donnée aux secteurs en surcharge de travail par pénurie médicale en mettant en place des équipes pluridisciplinaires comportant une infirmière en santé au travail et des intervenants en prévention des risques professionnels, comme nous le disions plus haut. C’est un début mais la réforme devrait permettre d’accélérer et d’étendre ces possibilités de modifications d’organisation de notre travail. Au-delà de l’aspect médical pur des visites, notre façon d’organiser notre travail en collaboration avec les salariés et/ou les entreprises est en perpétuel mouvement. Cela participe à la non-routine de ce volet de notre travail ; nous adaptons nos méthodologies d’action aux interlocuteurs, aux entreprises (selon leur secteur d’activité, leur taille,…), aux risques professionnels, aux objectifs prédéfinis, au temps et aux moyens dont nous disposons et/ou l’entreprise dispose,… Tout est à construire à chaque fois mais, avec les années et l’expérience acquise, nous gagnons en efficacité. Enfin, nous modifions également nos organisations pour intégrer toutes les actions transversales dans lesquelles nous choisissons de nous impliquer : enquêtes spécifiques sur des risques ou des branches professionnelles, épidémiologie, documentation, informatique/statistiques, instances de fonctionnement des services (Commission médico-technique, commission de contrôle,…CE, DP, CHSCT,…),… Finalement, les médecins gardent une certaine autonomie dans leur organisation du travail et peuvent très souvent faire-valoir et développer leurs domaines de compétence de prédilection.
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